“- Alors ton Noël en famille ?
- C’était compliqué. Mon frère est pas cool avec moi, c’est toujours pareil, il me fait me sentir mal.
- Oh ma pauvre… Comment ça, qu’est ce qu’il te fait ?
- Il me comprend pas, me parle pas, me pose pas de questions…
- Et il ne t’a posé aucune question sur toi ?
- Si, il m’a demandé comment ça se passait au boulot. Mais bon ça ne compte pas, moi j’aurais aimé qu’il me parle de mes cours de guitare, c’est vraiment ça ma passion… Franchement il devrait le savoir.
- Oui je vois. Tu lui as dit comment tu ressentais ?
- Non, ce n’est pas la peine, je le connais. Il ne va pas m’écouter, ça va me frustrer encore plus.
- Si tu veux mon avis, il ne doit pas savoir ce que penses et ce dont tu as envie, donc tu pourrais lui en parler.
- Je viens de te dire qu’il n’allait pas m’écouter ! Ca sert à rien, je suis triste et en colère, et toi en plus tu prends sa défense ! Toi non plus tu ne comprends rien.
- J’essayais juste de t’aider, mais puisque tu le prends comme ça, je m’en vais. Bonne chance mais c’est pas comme ça que tu vas y arriver avec ton frère !”
Patatras. Chacun.e ressort agacé.e de cette interaction, de cette “transaction”.
Que s’est-il passé ?
Pas moins de trois actes, ou “transactions” ont eu lieu.
Ton amie s’est positionnée en Victime, et en réponse tu t’es placé.e en Sauveur.se.
Cependant, ta tentative d’aide a échoué et votre positionnement a changé.
Elle a refusé ta proposition et se sentait incomprise, elle est passée Bourreau et coucou c’est toi qui est devenu.e la Victime.
Vexé.e comme un pou, tu as endossé le rôle du Bourreau à sa place en la rabaissant et elle est passée Victime. La routourne a tourné.
Tu crois peut être que c'est une anecdote mais cette dynamique est en réalité très fréquente :
Quand ta copine tombe systématiquement sur un.e boss insupportable, ou des équipes incapables dans le monde du travail ;
Quand ton pote te raconte une dispute, où l’autre est comme par hasard toujours le seul et unique responsable ;
Quand ton cousin a “besoin d’un coup de main” pour retaper sa maison mais tu as la désagréable sensation qu’il s’attend à ce que tu fasses tout.
Et j’en passe.
Leur point commun ? La position de Victime.
J’emploie volontairement le mot “Victime” pour faire référence à ce rôle dans le triangle de Karpman, aussi appelé sobrement les jeux dramatiques. Ces jeux sont une partie de l’Analyse Transactionnelle, et à mes yeux, l’exemple le plus facile à relier à la vie réelle
💡 Dans l’Analyse Transactionnelle, développée par Eric Berne, 3 rôles majeurs ou “États du Moi” existent : Parent, Adulte, Enfant.
💡 Le Triangle de Karpman a été développé par Stephen Karpman, célèbre élève de Berne. Ce triangle, qui schématise des relations dysfonctionnelles, reprend 3 rôles : Sauveur, Victime ou Bourreau / Persécuteur.
J’y reviendrai dans un autre article, mais tu peux garder dans un coin de ta tête que les 3 rôles du triangle sont assimilés à des États du Moi de Berne.
Le principe de la victimisation, c’est de se positionner comme une Victime (habile), c’est-à-dire dans une posture inférieure par rapport à l’autre. Autrement dit, on remet le pouvoir entre les mains de l’autre.
Concrètement, si tu repères les symptômes suivants, l’individu est probablement en train de jouer le rôle de la Victime :
Quelqu’un se sent impuissant.e et incapable face à une situation ;
Se blâme pour une situation pour laquelle il ou elle n’est pas responsable ;
Attend la validation émotionnelle des autres pour avancer dans sa vie ;
Essaye d’attirer la sympathie en se plaignant ;
Peut sembler déprimé.e, résigné.e, désabusé.e, ou baisse rapidement les bras face aux difficultés ;
Sollicite l’aide des autres et attend que ce soient eux qui résolvent ses problèmes.
Le problème, c’est qu’en adoptant la position de Victime, on invite malgré soi l’autre à entrer dans le triangle. Sans s’en rendre compte, on l’incite à devenir Bourreau ou Sauveur. Et c’est là que ça part en eau de boudin et qu’apparaissent la frustration, de l’agacement et les problèmes de communication.
Heureusement, il y a des moyens de s’en sortir.
Prendre conscience de la situation, de son rôle, et de la responsabilité de chacun. Un peu de recul ne fait de mal à personne.
Réaliser que tu assistes à un jeu dramatique - c’est bien le nom de ce système et non un concours de déguisement de Lady Gaga, comprendre le rôle que chacun “joue”, et ainsi rééquilibrer le pouvoir que chacun détient entre ses mains.
Dans la conversation du haut, ton amie a le rôle de la Victime, toi du Sauveur au début, puis elle est devenue Bourreau et toi Victime, jusqu’à ce que tu craques pour devenir Bourreau et elle Victime.Identifier et formuler ses besoins.
Bien souvent, les besoins ne sont ni clairs, ni formulés, ni conscientisés. C’est la porte ouverte à moult fenêtres comme les incompréhensions ou les malentendus. Dans l’exemple du haut, ton amie avait peut-être seulement besoin d’une écoute. Elle ne cherchait pas nécessairement une solution, ce qui était ton besoin.
Adopter un état d’esprit positif et volontaire pour résoudre des problèmes.
Si ton amie joue la Victime, encourage-la à pêcher plutôt que de lui donner un poisson ! C’est à elle de trouver des solutions, ce qui peut commencer par (oser) demander clairement de l’aide autour d’elle si c’est ce qu’elle recherche vraiment.
"Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être, mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre."
L’origine de cette prière est débattue mais elle s’apparenterait à Marc Aurèle. Aujourd’hui, elle est très employée chez les Alcooliques Anonymes. En tant qu’ami.e, tu risques de t’épuiser dans un combat inutile ou un retour de flamme car tu ne peux pas sauver autrui ! Elle seule a le pouvoir de se sauver en faisant un travail sur elle-même et sur ses croyances. Le plus important est de faire la différence entre ce sur quoi tu peux évoluer et et ce sur quoi l’autre a le possibilité d’agir. Entre deux personnes saines et désireuses d’améliorer les choses, le système sera désamorcé et la Victime pourra sortir du triangle.
Pourquoi en arrive-t-on là ?
Contre toute attente (joke), les interactions familiales dysfonctionnelles sont le sel de schémas de comportement auxquels on peut assister dès l’enfance.
Certain.e.s adoptent le rôle de Victime dans le Triangle de Karpman par peur de l'impuissance, pour attirer l'attention des autres, recevoir de la sympathie ou obtenir une validation émotionnelle. Stratégie qui peut marcher à court terme mais difficile à maintenir au long cours.
Des croyances limitantes* profondément enracinées, souvent des pensées négatives sur soi-même, peuvent conduire à des postures de Victime.
Les difficultés à exprimer ses besoins de manière assertive mènent vite à l’incompréhension et à des comportements de Victime, Bourreau ou Sauveur.
Ou encore, je dirais même plus et surtout, on peut utiliser le rôle de Victime comme un moyen d'éviter sa responsabilité personnelle. Cela peut être dû à la peur de l'échec, à l'anxiété, au stress, etc.
💡 Dans ce triangle, les rôles de Victime / Bourreau / Sauveur s’intervertissent. J’ajouterais que deux individus ne jouent pas le même rôle et qu’il y a toujours une Victime et un Sauveur ou une Victime et un Bourreau.
En résumé, la Victimisation est une posture qu’il est urgent et possible de changer. La clé, c’est de détecter quand ça arrive aux autres… mais aussi à toi-même. Dans une situation telle, si chacun reprend sa responsabilité et qu’ensemble, vous décidez d’adopter un état d’esprit de confiance et positif, il y a de grandes chances que vous vous sortiez de ce triangle et que chacun grandisse vers des relations plus équilibrées.
Si cet épisode t’a plu, le prochain sera zoom sur le Bourreau. J’attends tes retours ! En attendant, je te laisse sur ces (belles) paroles. Alors, qui laisse “son pouvoir” entre les mains de l’autre ?
🎤 No me mirès màs, mirès màs
Je t’en supplie laisse-moi t’oublier
Je ne peux pas lui faire ça
Ne joue pas avec le danger
Kendji Girac & Soprano - No Me Mirès Más
Sources
Des scénarios et des hommes - Claude Steiner
Analyse transactionnelle et psychothérapie - Eric Berne
Visuels : Eduardo Pastor, Nino Pagot, Toni Pagot et Ignazio Colnaghi
*Les croyances limitantes sont des convictions ou pensées négatives profondément ancrées qui peuvent créer des barrières mentales et limiter la confiance en soi et l'épanouissement personnel.
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On est ensemble,
Agathe
Merci, je vais lire et relire régulièrement le paragraphe 1 qui m'a rendue bien inconfortable tellement j'ai reconnu des situations vécues. J'ajouterais bien ajouter des ricanements à mon commentaire mais ça ne ferait pas sérieux.
Très intéressant !