Rires, validation, et Transaction du Pendu : la vie secrète des humoristes
Ce que le coaching permet de décrypter derrière de grandes tranches d'autodérision.
“Ça doit être génial de vivre avec des humoristes, ils doivent se marrer tout le temps.“
Vraiment ?
Quand on traîne dans les salles de stand up, on vient pour l’ambiance. Les vannes circulent, ça se tape dans les mains, on s’encourage les uns les autres, les blagues fusent… et puis le rire est contagieux.
En tant que spectateur, on en redemande.
Mais si on creuse, pourquoi est-ce qu’on rit ?
On rit pour moult raisons : le comique de répétition, le politiquement incorrect, le comique de situation, les personnages dans lesquels on se retrouve, la liste est longue.
Cependant, le fil rouge des spectacles des humoristes est la majorité du temps leur propre vie avec leur lot de galères, leurs moments de honte intersidérale, leurs réflexions plus ou moins glorieuses, leurs peurs tournées en dérision.
Ce sont ces parties obscures - et un peu honteuses - dans lesquelles on se reconnaît qui nous font rire.
J’aime l’humour, comme pourrait dire 0SS 117, et je me fais souvent cette réflexion :
Puisqu’ils dévoilent des parties sombres et intimes et en font leur fonds de commerce, à quel point les humoristes sont-ils aussi hilarants dans la vraie vie ?
L’autre jour, je dînais avec une amie néostanduppeuse qu’on appellera “Paule Mirabelle”. Alors que les succès se multiplient pour elle, avec des salles de plus en plus pleines et de plus en plus grandes, elle commence à maîtriser l’exercice. Malgré tout, elle se demande si elle va continuer encore longtemps.
Pourquoi s’arrêter sur une trajectoire si prometteuse ? Me suis-je aussitôt exclamée intérieurement.
C’est là qu’elle a parlé de l’arrière de la scène.
De se sentir grisée par l’éclat de rire d’une salle. Et comme pour tous, du besoin d’être aimée. Je cite : “Si une salle entière rit à mes blagues, il y a bien au moins une personne sur terre qui devrait pouvoir m’aimer”. Son cynisme est le terreau de son inspiration. Ses galères sont le terreau de son cynisme… tu vois où je veux en venir ?
Allez, je t’aide : à la nécessité de trouver du négatif dans son univers pour alimenter ces blagues, ce qui la conditionne.
Sans le savoir, elle venait de donner une parfaite illustration de la Transaction du “Rire du Pendu”, issue de l’analyse transactionnelle.
Merci Paule.
Intermède “Explications” :
💡 Développée par Eric Berne dans les années 1950, l'Analyse Transactionnelle (AT) est une théorie psychologique qui examine les interactions sociales à travers des transactions entre les personnes. L'AT est souvent utilisée en psychothérapie et en coaching pour comprendre les dynamiques relationnelles et les modifier pour qu’elles soient plus vertueuses.
Pour aller un chouïa plus dans le détail, on étudie l’état du moi (l’un des 3 modes Enfant, Parent ou Adulte) dans lesquels sont A et B lorsque A envoie un message à B, et que B lui en revoie un.
Eric Berne en 1963 - UCSF
💡 Le terme "racket" en AT ne fait pas référence à une activité dont tu étais victime en 5ème B, mais plutôt à l’accumulation d’un schéma répétitif et dysfonctionnel de comportement ou de pensée.
Le principe du racket se manifeste lorsque quelqu'un utilise un scénario récurrent (appelé aussi "racket") pour justifier ses émotions négatives ou ses comportements extrêmes. Ces rackets peuvent prendre diverses formes, telles que des plaintes constantes (et non ce n’est pas parce que tu es français.e), des attitudes défensives ou des comportements d'évitement.
Des comportements d’évitement qui s’accumulent… me voici avec mes gros sabots.
C’est le moment de te parler de la Transaction du Pendu. Rien que ça.
Derrière ce nom fleuri se cache une action répétitive, qui représente un échec pour la personne qui la réalise, mais qui a le mérite de faire rire une audience.
Un peu comme quand une copine, qui est blasée de sentir l’éternelle célibataire de la bande, arrive à chaque soirée avec une nouvelle histoire de mec… ratée. L’histoire, pas le mec.
“Il m’a fait passer pour sa soeur auprès de ses potes qui passaient par là.”
“J’ai capté après coup que j’avais du rouge à lèvres sur les dents, une mauvaise haleine, et le débit de parole d’un TGV. Il n’a même pas demandé de dessert et le date a duré 30 minutes. La looooooose.”
“Je me suis pointée au rdv et il avait tellement trafiqué ses photos Tinder que je ne l’ai pas reconnu.”
Un nouvel échec amoureux, l’accumulation d’une nouvelle anecdote, mais au moins et surtout : un rire de la part d’un public - toi - .
Or, le fait de te faire rire avec ces malheureuses histoires, est en réalité un bénéfice secondaire.
💡 Un bénéfice secondaire est le bénéfice, plus ou moins évident, qui nous maintient dans une situation désagréable qu’on a du mal à quitter.
Chaque nouvel épisode que ta copine va vivre, même si la situation est désagréable pour elle, va inconsciemment la rassurer car elle pourra “au moins” penser au moment qu’elle va passer avec toi : elle aura une bonne anecdote à te raconter et elle sait que ça te fera rire.
Pas si terrible ?
Si ! Car cette validation extérieure l’encourage à répéter ce schéma, encore et encore. Inconsciemment, cela va la mener à des choix qui la confortent dans cette position d’éternelle célibataire (position qu’elle souhaite pourtant quitter). C’est ainsi que, sans s’en rendre compte, elle va elle-même nouer la corde dans cette ”stratégie du pendu”.
Disclaimer : savoir rire de sa propre situation est une grande force, et l’humour permet de désamorcer beaucoup de situations ! En revanche, faire rire une audience à répétition grâce à sa propre situation “désastreuse” a ses limites.
Loin de moi l'idée de vouloir analyser l'oedipe non résolu de 100% des humoristes de France, mais cette conversation m'a replongée dans ce principe de coaching que l'on retrouve fréquemment. Et je te laisserai avec cette question :
A quel point fais-tu rire avec tes mésaventures ?
Si ta technique pour embrayer les conversations entre copains autour d’un verre le vendredi soir tourne autour de ton énième gaffe, entretien raté, date de la loose, penses-y ! Tu n’as pas besoin de tourner en ridicule les situations qui te font de la peine, au risque d’alimenter cette dynamique.
Point karaoké
🎤 Mon complet bleu, il y a trente ans que je le porte
Et mes chansons ne font rire que moi
J'cours le cachet, je fais du porte à porte
Pour subsister je fais n'importe quoi
Sources
Des scénarios et des hommes - Claude Steiner
Analyse transactionnelle et psychothérapie - Eric Berne
Visuels : Bruno Cervera et Jakob Owens
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On est ensemble.
Agathe